Argent, pouvoir et déracinement : le "contrat implicite" dans les couples expatriés
- Sabrina B.

- 4 sept.
- 4 min de lecture
Le départ vers l'inconnu d'un pays étranger est un projet commun, une aventure qui se veut partagée. Pourtant, sous la surface des valises bouclées et des adieux émus, se cache une dynamique souvent invisible, mais d'une importance capitale : celle du pouvoir. Au sein du couple expatrié, les cartes sont redistribuées, les équilibres sont modifiés et la notion de pouvoir, traditionnellement liée à l'argent, se complexifie. Elle se déplace sur un terrain plus subtil et insidieux, celui des codes, du territoire et du contrat implicite qui a toujours cimenté la relation. Cet article se propose d'explorer cette réalité complexe, de montrer comment l'expatriation peut, en un instant, transformer l'architecture d'une relation et mettre à jour les failles de son fondement.

Le pouvoir au-delà de l'argent : le poids des "codes"
Si la dépendance financière est sans conteste une source de déséquilibre, le pouvoir se joue également sur un autre échiquier, celui de la maîtrise de l'environnement. Dans son pays d'origine, chaque individu possède une autorité tacite qui découle de sa connaissance des "codes" : le fonctionnement de l'administration, les subtilités du langage, les réseaux sociaux et professionnels. Le déracinement efface cette autorité chez l'un des partenaires, le laissant dans un état de vulnérabilité que l'autre ne partage pas.
Un cas clinique illustre de manière éloquente cette réorganisation du pouvoir, indépendamment de toute considération financière. L'histoire de ce couple, que nous appellerons A et B, est révélatrice. Ils se sont rencontrés et ont commencé leur vie commune dans le pays de A. Dans ce contexte, A, le natif, était l'expert des codes locaux. Il était celui qui avait les repères, qui naviguait avec aisance, et B, le partenaire qui le suivait, était dans une posture de soutien. B était l'encouragement, la force tranquille, celui qui lui disait souvent "oui", le "contrat implicite" de leur relation était une complémentarité où A était l'acteur principal de l'environnement, et B l'acteur principal du soutien.
Le grand basculement : du soutien au contrôle
Tout a basculé lorsque le couple a déménagé dans le pays de B. Soudain, les rôles se sont inversés de manière spectaculaire. C'est B qui avait maintenant les codes, qui comprenait les nuances et les rouages de son environnement. B, le partenaire bienveillant du début, s'est retrouvé à dire souvent "non, ici on fait différemment", "non, ça ne se dit pas", "non, ça ne marche pas comme ça". Pour A, cette transformation fut un choc. Son partenaire de soutien était devenu un partenaire de cadrage, qu'elle percevait comme contrôlant. Elle se sentait flouée, comme si on lui avait volé la version de B qu'elle aimait et qui l'avait séduite. Le changement de contexte, en changeant la distribution du pouvoir par les codes, a complètement changé le visage de leur relation.
Cette anecdote met en lumière une faille dans le "contrat implicite" du couple expatrié. Ce dernier ne reposait pas uniquement sur l'amour, mais aussi sur une dynamique de pouvoir inconsciemment acceptée. En changeant de pays, le contrat a été rompu, et les deux partenaires ont dû affronter une réalité qu'ils n'avaient jamais envisagée : que la force d'un partenaire pouvait se transformer en faiblesse dans un autre contexte, et que le soutien de l'autre pouvait devenir une forme de contrôle.
L'expatriation : une épreuve pour le "couple-forteresse"
L'expatriation, dans sa phase de repli, transforme souvent le couple en une "forteresse" protectrice contre le monde extérieur. Cette bulle, si elle peut être une source de réconfort, peut aussi devenir une caisse de résonance pour les conflits internes. Dans le cas de A et B, la "forteresse" n'a fait qu'amplifier le changement de pouvoir, le rendant plus intime et plus oppressant. En l'absence de réseaux sociaux externes pour servir de soupapes de sécurité, A s'est retrouvée isolée, dépendante de son partenaire pour son intégration, alors que c'est précisément ce dernier qui, à ses yeux, avait changé. L'expérience de la "forteresse" a alors accentué le sentiment d'être prise au piège dans une dynamique qu'elle ne reconnaissait plus.
Le succès de l'expatriation, comme nous l'avons vu, ne réside pas dans l'absence de difficultés, mais dans la capacité des couples expatriés à les anticiper et à les traverser ensemble. Le dialogue pré-départ, qui doit inclure une discussion honnête sur les peurs et les sacrifices, doit également s'étendre à une conscience des dynamiques de pouvoir.
Conclusion pour les couples expatriés : reconstruire la relation en pleine conscience
L'expatriation est un laboratoire de la relation, un lieu où les dynamiques de pouvoir et les contrats implicites sont mis à l'épreuve. L'histoire de ce couple nous rappelle que le pouvoir ne se résume pas à l'argent. Il se trouve aussi dans la maîtrise de son environnement et la connaissance de ses codes. Pour les couples qui s'engagent sur ce chemin, la clé n'est pas de nier les déséquilibres, mais de les reconnaître, d'en parler et de recréer ensemble un "contrat implicite" qui s'adapte à chaque nouveau territoire. C'est en faisant cela que le couple, loin de subir les transformations de l'expatriation, peut en ressortir grandi et plus conscient de ses forces et de ses faiblesses.
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Crédit image : Dynamic Wang
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